Peut on parler de la plastique de la peinture comme de l’esthétique de la superficialité de la forme sachant que la peinture n’a de forme que celle générée par le dessin accompagné de l’effet visuel de la peinture même qui n’a logiquement qu’une très faible matérialité. Je m’interroge sur cela lors de ma visite à l’exposition qui réunit les préraphaélites et certaines oeuvres de la renaissance italienne au Museo San Domenico à Forlì. Qu’est ce qui différencie un Burne-Jones d’un Leighton ou d’un Watts, ou encore d’un Waterhouse un Morris ou d’un Millais? Réunis dans cette exposition ils sont évidement forts différents et se détachent des autres noms représentatifs du mouvement mais moins connus. Est-ce la forme c’est à dire le dessin de la silhouette des figures, est-ce la couleur, la présence ou l’absence de ce qui donne du relief aux figures; est-ce l’espace par l’effet de profondeur ou de platitude des zones autour des figures; est-ce la délicatesse de la touche et des mélanges, huile, crayon gouache, pastels, selon les choix techniques de chacun qui donne l’envie de croire que ce que l’on voit est une réponse à notre désir du beau? Pourquoi les croquis de Ruskin sont-ils importants, est-ce par leur impact dans la diffusion du concept de grand tour ou par leur esthétique graphique, ou encore par l’analyse architecturale représentée, ou bien le fait que ces dessins soient une conséquence directe de ce qu’un bel esprit fait de ce qu’on lui donne à ressentir? Etait agencée dans le coeur de la nef, le musée San Domenico étant une ancienne église, une série de tapisseries par Burne-Jones et Morris: aucune touche de pinceau rien que du fil teinté, une composition parfaite et des figures qui se détachent du fond comme dans les peintures de Botticelli, on ne peut pas parler ici de plastique de la peinture mais de la tendre sensation intime que génère la tapisserie dans un intérieur élégant, est ce que l’idée de l’oeuvre portée par un tel matériau n’acquiert pas une dimension supérieure car appartenant à un style décoratif de niche dont la rareté n’a d’égal que le coût mérité de fabrication. Est-ce que l’histoire de la quête du Graal, ou toute autre histoire qui raconte comment le beau ne se situe pas dans l’esthétique plastique mais dans les actes des hommes, constitue ce qui donne à l’oeuvre sa magie séductrice, c’est à dire est que le fond est plus important que la forme. Ou bien au contraire, est ce que la plastique d’une oeuvre peut à elle même véhiculer l’esthétique au delà de la forme même de ce qui est représenté, et est-ce que cela intervient sur notre désir de la posséder ou de la regarder des heures. L’esthétique de la tapisserie, celle de la peinture à l’huile, et enfin celle du marbre sont elles des facteurs importants dans la qualification de l’oeuvre d’art. Vous vous doutez bien que si j’ai passé deux ans à Carrara ce n’est pas pour admettre qu’un simple truc en quelconque machin chose puisse véhiculer autant de concepts. Pour ma thèse j’ai réalisé un coquillage en marbre, une oeuvre symboliste aux différents concepts historique et formels. J’ai réalisé en regardant mon travail que ce que j’avais fait n’était pas un coquillage, car quand on en regarde un véritable on regarde l’Oeuvre de la Nature, alors que regarder un coquillage en marbre c’est regarder l’Oeuvre de l’Homme qui regarde la Nature, et aussi la Nature de l’Homme come poussière cosmique. Et je me suis demandé si une traduction en bronze aurait la même valeur conceptuelle. Le bronze dans ce cas de cette forme complexe aux aspects superficiels travaillés de façons différentes pourrait sans aucun doute présenter un intérêt visuel intéressant, surtout agrandit à faire de nous des lilliputiens rêveurs, le matériau prestigieux a sa propre plastique et sans aucun doute ce serait une traduction que j’aimerai voir. Mais ce ne serait qu’une coquille vide en bronze, c’est à dire une superficialité à la plastique intéressante dont l’aspect offre une esthétique séduisante, une invitation au voyage entre autre. Mais vide de matérialité, à l’oeuvre serait ôté son aspect cosmique qui n’est lui contenu que dans sa naissance par extraction de la montage blanche, poussière d’étoile dans le vide cosmique. Les arts du feu sont des arts de l’esprit, hérités de Prométhée, les arts de la pierre sont des arts du labeur d’Hercule pour le temps qui lui est donné de vie.