Du fragment à l’œuvre et non pas de l’œuvre au fragment, faire le chemin inverse, remonter le temps dans une analyse profonde. Ma thèse de magistrale de sculpture est une étude du groupe Sakountala de Camille Claudel. Centrer cette oeuvre dans un ensemble de recherches, dans un voyage à travers l’histoire et l’histoire des techniques des arts, permet de prendre conscience de la synthèse qu’il contient, et cela malgré l’état fragmentaire du modèle. C’est probablement en quête de mes origines que j’ai travaillé, de l’origine culturelle et par conséquent de la voie dans laquelle je souhaite situer ma sculpture quelque part entre Florence et Paris. Grâce au verbe de la sculpture contenu dans l’oeuvre fragmentaire du groupe Sakountala, j’ai développé chaque aspect pour lui même, et cherché à comprendre Claudel au delà de la première lecture. Tout d’abord j’ai exposé le conteste historique de l’auteur, entre le symbolisme et l’orientalisme entre autres, et identifié l’hérédité des maîtres du passé, dont les Neo-florentins, pour relier cette oeuvre contemporaine à l’histoire des arts grâce au jeu de piste contenus dans les formes et la gestuelle des protagonistes dont l’origine prend racine jusque dans les oeuvres antiques en passant par la renaissance florentine. Ces recherches m’ont amené à d’autres rencontres tels Octave Mirbeau, Matthias Morhardt, Paul Claudel, ou mieux encore rencontrer Camille dans ses correspondances. Le guide du Musée Camille Claudel à Nogent sur Seine écrit par l’historienne Françoise Magny est très intéressant pour sa richesse d’informations sur l’ensemble des oeuvres y compris sur les Neo-florentins et d’images d’époque, et offre un point de départ pour l’étude des maîtres Boucher Dubois et Rodin. Bien évidement j’en recommande la visite tout autant que celle des musées Rodin et Orsay. Ce prochain mois de septembre Nogent accueillera une exposition consacrée au groupe Sakountala, a cure de Cécile Bertran directeur du musée Camille Claudel, et à l’occasion regroupera autour du modèle original habituellement conservé à Châteauroux un ensemble d’oeuvres qui lui sont reliées. L’idée de les voir ensemble est une perspective réjouissante. Observer Sakountala consiste à l’écouter nous narrer le parcours de son auteur, nous parler des lectures de textes et d’images qui ont nourri Camille, ses influences et sa culture, et enfin sa capacité à restituer dans son art la profondeur de sa pensée. J’ai espoir d’un futur, d’une voie dans laquelle pourront se trouver les jeunes gens en quête d‘idéal dans la sculpture et qui sauront reconnaître en Camille Claudel le maître qu’elle aurait dû être. La voie qu’elle aurait dû incarner et ouvrir jusqu’à nous, dans la lignée de l’art figuratif qui la trouve après Fidia Donatello Leonardo Michelangelo … Rodin. Si Maillol, Bourdelle, et d’autres talentueux sculpteurs ont ouvert des voies vers notre contemporain, Claudel manque à l’appel. Mademoiselle Claudel n’est pas une muse, elle est la voie brisée, comme Desiderio da Settignano décédé trop tôt après Donatello, elle est la grâce interrompue de notre siècle, le maestro manquant.
Mienville. Thèse de sculpture. Laurea magistrale, Accademia di belle Arti di Carrara, 28 juin 2024, 110Lode.
Origine. Le marbre que j’ai réalisé en accompagnement de cette thèse est une oeuvre symboliste qui fait référence à La Vague de Claudel et à La Coquille d’Odilon Redon entre autres, et qui invite celui qui la regarde à l’introspection à la recherche de l’origine du beau et de la relation que chacun entretient avec la Nature.
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