Comme toutes les fins de vacances, celle ci se terminait sur le port de Bastia. Après deux semaines de maquis agrémentées de bains de mer et de rivière et ornées de bons moments avec les amis et en famille, la notion de « retour » me martelait le crâne depuis l’ avant veille déjà.
Le triste rituel de la fermeture de la maison, ne sachant pas qui viendrait ensuite ni quand, s’était fait et, en considérant ma passion pour le ménage, cette tâche fut la plus dure à accomplir surtout que la récompense au bout du travail n’ était autre que la cruelle séparation annuelle.
Le soleil de midi éclairait fortement la citadelle et les pans de murs faisant face à la mer, il faisait chaud. Août finissant remportait ses derniers touristes, et dans le flot, les corses du continent comme moi.
Nous évitions de passer par le tunnel qui sent toujours très mauvais, dans l’ idée de prolonger le plaisir en traversant la ville par ses ruelles majestueuses de hauteur, contrastées dans les styles allant du plus traditionnel au plus bourgeois, rythmées par les échoppes en bas, les balcons en haut, les linges sur les cordes comme des notes de musiques, et les cacatoghji (orthographe à vérifier), cabinets ajoutés aux vieilles bâtisses qui forment des verrues carrées reliées par les tuyaux d’ évacuation.
Comme tous les ans je m’ exclamai : C’ est ici que je veux vivre, c’ est là (je désignais une boutique) que je veux mon atelier, et là je prendrai le café tous les jours. Puis, comme pour nous sonner l’heure du dîner, apparut en contrebas le port et le ferry au départ, tel un ogre béant portant le nom de notre billet..
Nous avions garé la voiture en amont de la rue marchande parallèle à la place St Nicolas, pour une ultime promenade avant d’embarquer. D’habitude je regarde les robes. Je peux entrer dans une boutique acheter de tout sauf une robe mais j’ y serais entrée seulement après avoir vu une robe de loin.
Enfin, nous descendions le boulevard Paoli à moitié au soleil, avec moi qui surfait d’ un trottoir à l’ autre en disant bien à mes enfants de rester avec leur père sur le même trottoir, vilaine habitude qui m’ amuse terriblement, quand j’aperçus du coin de l’oeil des couleurs et m’ engouffrai dans cette petite galerie qui ne contenait que et exclusivement « mes » couleurs. La première pièce est à voir à 360°, l’ accrochage est fait de façon à emporter le regard sur la toile derrière le bureau comme un chemin piégé duquel on ne peut échapper. Après avoir regardé en tournant sur moi même, je finissai en rase motte pour lire les mélanges presque le nez sur la toile de façon à m’ assurer que la touche était vraiment aussi bonne qu’ elle en avait l’ air.
La jeune personne qui assurait l’accueil me dit amusée que j’ étais assortie au décor, car je portais un vêtement violet, de ce violet qui dansait justement dans les vagues des paysages maritimes accrochés autour de nous. Un instant, je me suis imaginée être une touche de violet dans un de ces tableaux et m’ y suis trouvée terriblement bien. Je suis restée si peu, mais si bien, que j’ emportai dans mes yeux les couleurs de ces toiles jusque dans le bateau, oubliant de sortir sur le pont voir s’ éloigner mon île, voulant garder comme dernières images celles éblouissantes des toiles de Jose Lorenzi.